« Je ne me qualifie pas vraiment de coach, mais d’expert communiquant. » – Jean-Pierre VICKOFF

"Je ne me qualifie pas vraiment de coach, mais d’expert communiquant." - Jean-Pierre VICKOFF 1

Interview Jean-Pierre VICKOFF – crédit : Martial SEGURA

Je suis très heureux d’avoir rencontré Jean-Pierre VICKOFF.
Je souhaitais vivement réaliser cette entrevue car Jean-Pierre est, pour moi, l’un des sages de la culture agile en France. Il a vécu de nombreuses transformations et, en ce sens, je suis ravi qu’il ait accepté mon invitation pour le blog
Oeil de Coach.

 

Bonjour Jean-Pierre, pour commencer, pourrais-tu nous parler de toi et de ton métier ?

Bonjour Martial.
Mon métier ? Je me pose parfois cette question … Informaticien de développement je présume … innovateur, pionnier … va savoir exactement … J’ai été tenté de répondre « Observateur du mythe de la connerie éternellement renouvelée », mais les lecteurs auraient pu s’imaginer une blague.

 

 

Qu’est-ce qui t’a motivé à devenir coach agile ?

Mes premières communications méthodologiques ont débuté dans les années soixante-dix sur 01 Informatique, puis Le Monde et Temps réel ….  Malgré cette expérience je ne me qualifie pas vraiment de coach, mais d’expert communiquant. En revanche, ayant travaillé sur plusieurs continents je serais plutôt compréhensif et relativement tolérant …

 

Comment as-tu découvert l’approche agile ?

En participant à sa création, puis en publiant inlassablement pour la faire évoluer et connaître.  Le détail de ces recherches et actions se trouve sur Wikipédia. Concernant les principes de l’approche « Incrémentale-Itérative-Adaptative » qualifiée ensuite d’« Agile », en ce qui me concerne cette quête a débuté à la fin des années 80 au Canada et aux USA. Cela ne date pas d’hier, mais ne m’empêche pas de continuer à innover régulièrement.

 

Quels enseignements de l’agile ont été marquants, pour toi ?

La compréhension profonde de la relative complétude des valeurs et principes du Manifeste Agile. Dommage que la plupart des agilistes les trahissent maintenant en permanence avec de « bonnes mauvaises raisons » liées le plus souvent à l’aspect alimentaire de leur mission, notamment lorsqu’ils se trouvent confrontés à l’incompréhension des organisations concernant les contraintes indissociables de l’agilité. A moins qu’ils ne soient réellement « agilement esbroufés à l’insu de leur plein gré ». Je ne leur jette pas la pierre, étant moi-même passé aussi sous ces « fourches caudines » de la survie « Scrum facturée ».

 

Pour nos lecteurs qui veulent se lancer dans l’agile, par où ou par quoi leur conseillerais-tu de commencer ?

Par s’intéresser aux origines réelles du mouvement Agile et à ses fondamentaux, car ceux qui oublient l’histoire en reproduisent systématiquement les erreurs.
L’agilité reposait initialement sur une vision et une méthode imposant une réingénierie immédiate des processus de développement (RAD, XP, FDD, ASD, etc.). Le concept a ensuite été détourné par un Lean en échec relatif depuis trois générations de tentatives. Ce n’est pas étonnant puisque cette amélioration continue se limite aux constats d’errements répétitifs, et heureusement parfois à leur correction localisée. Malheureusement, le constat ne sert généralement pas aux autres, et les cycles d’erreurs se reproduisent.

 

Peux-tu nous raconter une anecdote ou une transformation agile qui t’a marquée ?

J’éviterai les clients récents. Pour la transformation d’une équipe : je me souviens de mon premier développement en France à mon retour du Canada. Cela se passait à la Compagnie des tabacs (SEITA). Quatre chefs de projet (CP) étaient engagés, et les équipes devaient comporter plus d’une quinzaine d’analystes et de programmeurs. Partant d’un long enlisement « merisien » et incapable de produire une seule ligne de code, les quatre CP adoptèrent en moins d’une semaine le mode « Incrémental, Itératif et Adaptatif ». Dans la foulée, cette équipe réduite développa l’application dans le temps imparti et sans ajout de ressources.  Nous étions tous devenus des concepteurs-développeurs. Nous bénéficions alors de conditions de « motivation rationnelle » exceptionnelles, que je n’ai d’ailleurs jamais retrouvées depuis.
Pour l’anecdote : fin 2001, suite à la première publication de Scrum, donc six mois après l’Agile Manifesto, je diffusais la première version de PUMA.  À l’époque, cette simple « Proposition pour l’Unification des Méthodes Agiles » fut communiquée jusqu’aux USA. Les propriétaires des méthodes en question n’ont pas donné suite souhaitant garder leur indépendance. Depuis, à la relative exception de XP, toutes sont tombées dans l’oubli, phagocytées par Scrum qu’ils n’avaient pas appréhendé comme une concurrence, vu que ce n’était ni une méthode, ni agile.

 

Si tu avais une baguette magique pour changer le monde de l’entreprise, par quoi commencerais-tu ?

Par former les dirigeants aux réalités d’une approche Agile, avec ses écueils et ses limites. D’expérience, à ce niveau, se développent les plus grandes incompréhensions et se commettent les plus grosses erreurs.
Par exemple : ne pas communiquer lors de la mise en œuvre d’une approche Scrum, sur ce qu’il adviendra des chefs de projets et des PMO. Voilà le meilleur moyen de déclencher peurs et refus.

 

Quel conseil donnerais-tu à une organisation qui veut devenir agile ?

Utilisez SAFe !
Si vos projets sont trop petits pour cette approche telle que vendue actuellement, downscalez là ! Descendez quelques marches de l’échelle ! Respectez les fondamentaux : le mode projet, le mode plateau, l’affichage mural, etc. Et surtout, ne revenez pas aux outils sauf pour la chaine DevOPs !
Tout cela se trouve intégralement explicité dans les valeurs et principes du Manifeste Agile.

 

D’un point de vue culturel et organisationnel, quels sont pour toi les prochains défis des entreprises ?

Dans les grandes organisations, éviter le piège qui consiste à plonger ressources humaines et budgets pharaoniques dans du « pseudo Agile ». J’entends par là cette grande carambouille « en continu » qui se développe au détriment des réelles valeurs de l’agilité et détruit les conditions de la performance de développement découlant naturellement de l’approche d’origine. Sinon, ce n’est pas demain ni plus tard que se développeront en Europe des GAFA ou même d’autres applications « Licornes ». 

 

J’ai pris connaissance sur JDN du détail de ta proposition Continuous Sprint 0, alors pourquoi un sprint 0 et pourquoi cette notion de « continuous » ?

Un projet SCRUM démarre avec un sprint 1 après que le backlog de produit se soit avéré suffisamment exhaustif pour être estimable par l’équipe de projet.
La proposition « Continuous Sprint 0 » est, d’une certaine manière, la première réponse structurée, détaillée et agilisée, à la question « Comment obtenir le backlog ? », et surtout à la nécessité de le faire évoluer durant toute la réalisation du Produit afin de l’aligner sur l’évolution des besoins métiers et les réponses offertes par des technologies émergentes.

 

Quels sont tes prochains défis personnels ?

Au-delà de mon job « as usual », l’un de mes défis est d’achever cette année la description et le process d’utilisation du Framework Continuous sprint 0, « le chaînon manquant des approches agiles actuelles ». Je publie mensuellement (sur JDN : https://www.journaldunet.com/account/jean-pierre-vickoff-288) les éléments de cette boite à outils sous la forme de cartouches de connaissances.
Je compte aboutir à un ouvrage de mise en œuvre en 2020 et peut-être même conseiller d’en faire une offre de service. De plus, suite à un déboire récent lors d’une sensibilisation insuffisamment pratique au rôle de Business Owner, j’achève la mise au point d’un atelier « SAFe Lego », modulaire mais assez complet pour couvrir sur deux jours l’ensemble de cette approche. Il explicitera les rôles, artefacts, cérémonials (Onboarding, PI Planning avec dépendances, et simulation de cinq itérations avec métrique des changements en cours de Sprint, etc.).
Le défi se situe pour moi dans le fait de n’avoir été jusqu’ici que très peu orienté « gamification ».

 

Quelle est ta phrase inspirante du moment ?

Ceux qui perdent leur temps à faire de petites choses n’en ont plus assez pour en faire de grandes.

 

Qu’est-ce que tu lis actuellement ?

J’ai relu intégralement « Le Maître du Haut Château » de Philip K. Dick après en avoir visionné les trois saisons. Je me consacre aussi à l’écriture d’une triple trilogie « Protectora Galactica ». Par ailleurs, je viens de terminer « L’intelligence collective clé du monde de demain » où j’ai coché quelques pages, c’est bon signe : j’ai encore beaucoup à apprendre.

 

L’interview est désormais terminée. As-tu quelque chose à rajouter ?

Je constate qu’il était infiniment plus courtois et professionnel de combattre les idées des tenants des méthodes cascades comme Merise que de tenter de ramener dans le chemin de l’agilité concrète les « amélioration-continuistes » qui sévissent de nos jours. Le plus lamentable : les coups bas « personnels »!  Le pire étant que ces cabales ne proviennent même pas des américains, lesquels se foutent bien de ce que l’on peut pondre ici ! Pourtant j’apprécie ces petites contrariétés, car sans leurs bassesses ma créativité ne serait pas au dixième de ce qu’elle est.

Pour conclure, en publiant Continuous Sprint 0, j’espère apporter quelques « utilités » à ceux qui n’ont pas la chance de travailler dans une grande organisation comme Orange où la cellule méthode regroupe de nombreux talents très diversifiés qui développent en permanence une fertilisation croisée de connaissances.

 

Merci Jean-Pierre pour cet échange.

Merci Martial.

 

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Martial SEGURA - Coach agileJe suis Martial SEGURA, Coach agile | Expert organisationnel chez Oeil de Coach.

« Mon intention est d’aider les personnes, les équipes et les organisations à atteindre leurs objectifs beaucoup plus vite qu’ils ne le feraient sans ma contribution. »

Je développe le potentiel et les savoir-faire des équipes et des personnes. J’accompagne la transformation agile des organisations, en m’appuyant sur la culture, les valeurs et les pratiques agiles.

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